Dans le capital-risque, on répète souvent qu’on n’investit pas seulement dans un produit, une innovation ou des chiffres, mais sur une équipe et la qualité de ses dirigeant.e.s avant tout.
Les qualités humaines des fondateur.rice.s sont devenues aussi déterminantes que la technologie ou le business model. Autrement dit, les soft skills comme la détermination, la capacité à s’adapter, à se remettre en question et à s’entourer des bonnes personnes au bon moment, se révèlent cruciales pour piloter une jeune entreprise. Des recherches menées par Harvard University, la Carnegie Foundation et le Stanford Research Center ont même montré que 85 % de la réussite dans une carrière professionnelle provient des soft skills, contre seulement 15 % pour les compétences techniques. À l’échelle des startups, négliger l’aspect humain peut s’avérer fatal : 23 % des jeunes sociétés échouent faute d’avoir la bonne équipe aux commandes (Founders forum Group)
Pourquoi un tel focus sur les soft skills ?
D’abord, parce qu’une startup navigue en permanence dans l’incertitude. Un produit moyen, un business model inadapté peuvent évoluer, mais un fondateur incapable de se remettre en question ou de fédérer son équipe risque l’échec assuré. Les investisseurs savent qu’ils auront à accompagner la société sur plusieurs années et que seuls des entrepreneurs dotés de détermination, de résilience et d’adaptabilité sauront encaisser les obstacles imprévus. Paul Graham, cofondateur de Y Combinator, expliquait d’ailleurs que, passé un certain seuil d’intelligence, la détermination est la qualité la plus importante chez un fondateur: « il va rencontrer énormément d’obstacles, il ne peut pas être du genre à se décourager facilement ». Cette détermination va de pair avec la flexibilité et la capacité d’adapter sa vision en temps réel aux retours du terrain plutôt que de s’entêter inutilement. En somme, les soft skills sont un indicateur avancé du potentiel de résilience et de croissance d’un entrepreneur
Un exemple célèbre est à chercher auprès des incubateurs de la Silicon Valley : lorsque Y Combinator a financé Airbnb à ses débuts, ce n’était pas tant pour l’originalité du concept (jugé farfelu initialement) que pour les qualités des fondateurs. Apprenant que l’équipe avait survécu en vendant des boîtes de céréales à l’effigie d’Obama pour financer son démarrage, les partenaires du Y Combinator ont tout de suite été convaincus. Cette anecdote, devenue légendaire, illustre que le culot, la créativité et la persévérance des entrepreneurs peuvent emporter la décision bien plus qu’un business plan parfait.
En France, Frédéric Mazella a su fédérer autour de sa vision pour convaincre investisseurs et particuliers du potentiel de Blablacar, à une époque où le covoiturage était encore une utopie. Sa capacité à s’entourer d’un binôme complémentaire (Nicolas Brusson), et à changer de rôle au bon moment en délaissant l’opérationnel ont été à la racine de son succès.
D’autres caractéristiques, plus difficiles à théoriser mais fréquemment cités, font aussi la différence. L’audace, quand elle est assumée, renvoie à une forme de courage stratégique face à l’incertitude. La force de conviction, elle, se perçoit dans la cohérence du parcours, dans la constance des décisions prises malgré les doutes, dans la capacité à embarquer une équipe sans imposer. Et l’enthousiasme, souvent sous-estimé, agit comme un catalyseur : il donne de l’élan, crée de l’envie autour du projet, rend les choses possibles même quand elles ne le sont pas encore.
L’intelligence émotionnelle est un facteur supplémentaire essentiel. Un fondateur capable de réguler son stress, d’écouter réellement, de sentir les tensions dans une équipe et d’y répondre avec tact, gagne des points sans même s’en rendre compte. Dans une étude de la Harvard Business Review, les dirigeants perçus comme empathiques et lucides sur leurs propres émotions avaient de bien meilleures chances de garder la confiance de leurs investisseurs dans les moments critiques. Cette qualité, se traduit dans la manière de gérer un désaccord, de remercier un retour négatif, ou simplement de rester calme dans un échange tendu
Mais alors, comment les VC évaluent ces soft skills ?
Contrairement aux métriques financières, les qualités humaines ne s’objectivent pas facilement. Les investisseurs s’appuient sur une expérience accumulée à force de rencontrer des centaines d’entrepreneurs, et apprennent à lire entre les lignes. Dès les premiers échanges, ils prêtent attention à des micro-éléments révélateurs de la personnalité et du potentiel du dirigeant : le ton employé, la clarté du raisonnement, la manière dont le fondateur formule une réponse difficile ou rebondit après une critique. Une posture trop rigide ou au contraire excessivement séduisante peut mettre la puce à l’oreille. Ce sont des signaux faibles, mais des marqueurs clés.
La capacité à s’entourer compte également beaucoup. Un entrepreneur qui sait recruter des profils complémentaires, voire plus expérimentés (et mieux payés), envoie un message fort. Il montre qu’il connaît ses limites, qu’il fait confiance à son équipe, et qu’il pense long terme. Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, évoquait cette qualité comme l’un des marqueurs du leadership durable : « Un bon CEO n’est pas celui qui sait tout faire, mais celui qui s’entoure des meilleurs, puis les laisse faire ». Dans les faits, les investisseurs observent très vite si le fondateur ou la fondatrice s’exprime en « je » ou en « nous », s’il valorise ses collaborateurs ou cherche à tout incarner seul.
Au-delà de la compétence pure, c’est souvent l’attitude qui fait la différence. Un discours trop lisse, ou une confiance mal calibrée, peuvent inquiéter. À l’inverse, une lucidité sur les failles du projet, un aveu de ce qui reste à prouver, sont perçus comme des signes de maturité. Ce que cherchent les VC, ce n’est pas la perfection, mais la capacité à évoluer, à écouter, à se remettre en question, à être « coachable » en somme.
Ce que les investisseurs recherchent, ce n’est pas un fondateur idéal, mais davantage un partenaire avec qui construire, ajuster, avancer. Une personne qui saura tirer parti de l’accompagnement proposé, écouter les signaux faibles du marché comme ceux de son entourage, et faire grandir le projet avec humilité et discernement.
Au sein d’Xplore, nous disposons d’une équipe d’accélération qui, au-delà de fournir des conseils et des masterclass sur les sujets saillants du moment, a à cœur de construire un fort maillage entre les dirigeants des startups dans laquelle le fonds a investi. Cela implique un degré d’implication de la part des entrepreneurs, une envie d’apprendre et de transmettre, et ce jusqu’à l’exit. Ainsi, si les soft skills sont des essentiels pour les dirigeants de startups, ils sont aussi les clés pour une relation saine et fructueuse avec les investisseurs.